Arts numériques et œuvre ouverte
On me demande parfois pourquoi intégrer une dimension participative, interactive dans mes projets. Je partage ici quelques réflexions sur ce sujet.
La société marchande dans laquelle nous vivons nous pousse à acheter des objets standardisés, prêts à être utilisés pour un usage précis. Il est en général difficile de les réparer, de les modifier, de les associer à d’autres… En ce sens, notre rapport à l’objet est minimal : nous ne pouvons que l’utiliser, mais non pas réellement agir dessus. Selon le philosophe Bernard Stiegler, la pauvreté de ce rapport à l’objet fait du consommateur un « prolétaire » qui a perdu « son savoir vivre, devenu mode d’emploi1».
Je crois qu’il existe aujourd’hui une communauté forte qui tente d’échapper à ce rôle d’utilisateur passif, afin justement de retrouver un savoir-vivre, de donner un sens plus personnel aux objets qui nous entoure. Ainsi le succès des fab lab (qui permettent de concevoir des objets sur mesure à l’aide de différentes machines), des repair café (où l’on apprend à remettre des appareils en état de marche), de la culture maker en général.
L’œuvre ouverte présente une certaine proximité avec ces différents courants. À rebours d’une perte de contrôle inhérente à notre société, elle permet d’associer le public à la production de « l’objet » artistique, et d’en découvrir ainsi peut-être un sens plus profond. Cette appropriation de l’œuvre par la manipulation, par l’action concrète et l’écoute, est fondamentale dans mon approche. Elle établit une connivence entre artiste et public, elle rassemble au sein d’un même espace poétique, d’une même envie d’explorer.
1STIEGLER Bernard, Réenchanter le monde : la valeur esprit contre le populisme industriel, Paris, Flammarion, 2006, p.45.